Literie bio, marché d’ultra-niche
Santé, durabilité, traçabilité : le produit a tout pour séduire mais peine à trouver son marché
La literie bio ou naturelle, qui a trouvé son marché en Allemagne et en Angleterre, représente encore un micromarché en France : peu d’adhérents de l’Association pour la promotion de la literie, peu d’acteurs, dont une majorité de PME, un public réduit. Les raisons ? le prix de ces literies, la méconnaissance des consommateurs et le manque de lisibilité de l’offre. En la matière, le bouche-à-oreille, la pédagogie et la publicité restent des valeurs sûres.
La sécurité sanitaire des produits fait l’objet d’un nombre croissant de réglements. Et les consommateurs se soucient de plus en plus de l’impact social et environnemental des produits, y compris la literie. De plus en plus de marques proposent donc des produits de “literie bio”, autrement dit des matelas constitués d’une part plus ou moins grande de composants bio. Les fabricants sont souvent des PME, même si les grandes marques du secteur proposent des gammes spécifiques. Ces produits sont multiformes : les matériaux sont divers, le degré de naturel également. Ils s’adressent à des personnes soucieuses de l’environnement, de durabilité et de santé. Certains obstacles subsistent : des contraintes réglementaires pressantes, des coûts de fabrication élevés, et une manutention rendue contraignante par le poids des matériaux utilisés . Cause ou conséquence de ces handicaps, le marché manque de visibilité, et le secteur ne dispose d’ailleurs d’aucun chiffre ou statistique sur la literie bio. Reste aux fabricants à faire œuvre de pédagogie et à promouvoir leurs produits par divers canaux… et à se fier au bouche-à-oreille des clients.
Une offre multiforme
L’offre de literie bio est multiforme : latex, coton et laine constituent les principaux matériaux utilisés pour l’âme du matelas. Patrick François, gérant de la société Matelas Naturel, fabrique des matelas de latex naturel pure gomme. Il établit une différence entre la laine, le coton et le latex pure gomme d’un côté, et les lits comportant de l’huile de ricin et des fibres de bambou de l’autre : “Si la fibre de bambou est un matériau certifié, il est dissous dans l’acide pour devenir fibre. Sa fabrication est donc polluante”, discerne-t-il. Le marché est infime, en tous les cas. Tel est l’avis de Gérard Delautre, président de l’Association pour la promotion de la literie (APL) : “le problème est le suivant : il n’existe aucun marché spécifique de la literie bio, car la segmentation est difficile. La part de coton bio est faible, et les usagers sont en outre de plus en plus réticents au coton, ce qui crée la rareté de ce textile dans les matelas”. Marc Rognon, dirigeant de la Literie Bonnet, pointe le peu de litiers bio adhérents de l’APL : “une cinquantaine de petits artisans sont présents sur le marché, sans constituer des entreprises de matelas en tant que telles”.
Pour lui, tout dépend des limites de l’appellation “produit naturel”. “Le positionnement des grandes marques leur commande d’offrir de la literie naturelle, sans grand contrôle sur l’appellation”, indique-t-il en effet. Il pointe la difficulté d’obtenir un label d’origine naturelle pour la laine, qui subit de nombreux traitements. De même, le label produit naturel ne garantit pas la qualité du lit. Enfin, les fabricants ne sont pas contraints de lister et détailler tous les matériaux : ils peuvent décrire précisément l’âme du matelas tout en éludant la composition du garnissage.
Appellation usurpée ?
Emmanuel Noujaim, gérant de la société Biosense, indique que certains fabricants intègrent peu de mousses et essences végétales dans leurs produits : “Si le naturel couvre 5 % du produit, c’est suffisant pour que le lit soit estampillé ‘végétal’ ”. Il met en exergue son matelas naturel : “j’utilise une âme 100 % naturelle sur 15 cm, dans un produit de 22 cm d’épaisseur. Restent donc 7 cm de garnissage. Pour ces 7 autres centimètres, nous avons décidé de mettre du bio, au lieu de poser de la mousse de polyuréthane. Mais vous pouvez très bien mettre 5 cm de latex naturel et du ressort, de la ouate et d’autres produits qui ne sont pas naturels. Ce n’est pas notre métier, mais cela n’empêchera pas le produit de se vendre sous l’étiquette bio”.
Une offre pour le moins incertaine, donc. Même son de cloche pour les accessoires qui tournent autour du matelas, selon Emmanuel Noujaim : une tête de lit sera considérée bio si le composant principal est bio “Si le fabricant utilise du bois certifié, il peut qualifier son matériel de bio, même s’il ne l’est pas à 100 %. Inversement, une tête de lit en contreplaqué recouverte d’un tissu bio avec une colle de provenance inconnue peut aussi être étiquetée bio”, affirme-t-il. Son regret : “malheureusement, les industriels bernent parfois les consommateurs. Les arguments marketing s’appuient parfois sur un seul élément bio”. Les produits les plus difficiles à verdir ? Selon Cécile Kern-Garnier, c’est le latex, encore plus cher lorsqu’il est naturel. Elle identifie les mousses d’huiles naturelles comme des matériaux plus onéreux que les mousses chimiques. En revanche, elle voit le coutil, le garnissage et les traitements pour coutils comme les éléments du lit les plus faciles à verdir….
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